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APPEL À CONTRIBUTION

cArgo #11 – « Reconfigurations contemporaines des relations entre religion et médecine : compétition, articulation, cohabitation » – décembre 2019

Dossier coordonné par S. Bindi (CANTHEL, Univ. Paris Descartes)

Modalités et agenda

Les titres provisoires des contributions, ainsi qu’un résumé de 10 à 15 lignes et les coordonnées complètes des contributeurs (nom, prénom, institution d’attache et adresse) doivent parvenir à la rédaction avant le 22 mars 2019 pour sélection puis réception des articles avant le 30 juin 2019.

Résumé

Les contributions exploreront, à partir d’enquêtes empiriques respectives, les formes actuelles de rencontre, de chevauchement et de friction entre domaine religieux et domaine médical, tant en Occident qu’ailleurs dans le monde.

 

Argumentaire

La constitution de la médecine comme champ indépendant du religieux est un mouvement très récent et, à l’échelle de l’humanité, très localisé à l’origine. Les anthropologues ont depuis longtemps fourni de nombreux exemples de terrains non occidentaux où le soin se réalise à travers le religieux et le rituel. Mais cette connexion, voire indistinction, entre médecine et religion a aussi été la norme parmi les sociétés occidentales.
En Grèce ancienne, les thérapeutes étaient à la fois les serviteurs d’un dieu préposés à son sanctuaire et des praticiens soucieux du corps des malades se rendant en ce lieu consacré. Le croisement entre religieux et médical marque aussi toute l’histoire de la chrétienté, le Christ étant représenté en tant que médecin de l’âme, mais aussi du corps, sur lequel on agissait en son nom  à travers les hôpitaux, les hospices et les dispensaires mis en place par l’Église (Grmek, 1995).

C’est à l’époque moderne que la biomédecine a commencé de s’émanciper du religieux : une fracture épistémologique s’est installée alors entre, d’une part, la médecine se voulant système de pensée empirique et, d’autre part, la religion, ensemble de valeurs subjectives et morales (Foucault, 1963 ; Good, 1996 ; Guenzi et Zupanov, 2008).

Ce processus de distinction se répandra sur tous les continents, à la suite de la période coloniale et de l’internationalisation des pratiques de santé. En se constituant comme champ de savoirs et de pratiques autonome par rapport au religieux, la biomédecine a poussé toutes les pratiques se situant à l’intersection du médical et du religieux — que ce soit les formes de chamanisme et de possession, la médecine ayurvédique, etc.— à se redéfinir.

Ce numéro propose de mettre à jour les interactions entre des domaines, qui se veulent séparés et qui se sont constitués comme réciproquement autonomes, mais qui, de facto, ne cessent pas d’interagir de multiples façons — leurs acteurs le faisant d’ailleurs souvent de manière consciente et réflexive.

Ces reconfigurations contemporaines des relations entre religion et médecine peuvent être approchées sous trois différents angles: ceux de la compétition et de la friction, de l’articulation et de l’emprunt, de la cohabitation et de la complémentarité.

Ces phénomènes de reconfiguration des relations entre techniques de soin médicales et religieuses peuvent mener tout d’abord à des formes de compétition et de friction. On s’intéressera alors aux situations qu’on pourrait définir d’empiètement, où des frontières entre les deux domaines sont délibérément traversées, donnant parfois lieu à des conflits et rivalités. Pensons, par exemple, à la médicalisation de différents domaines de la vie quotidienne auparavant pris en charge par les institutions religieuses (la mort et le deuil, certains troubles mentaux, etc.) ou, à l’inverse, au développement de mouvements religieux qui replacent au centre de leurs préoccupations la dimension thérapeutique (pentecôtisme, scientologie, etc.) ou encore aux médecines douces, parallèles ou alternatives, à la popularité grandissante, et dont les approches sont définies comme « holistes » (telles que les médecines ayurvédique, chinoise, tibétaine).

Ce sont là autant de phénomènes qui sont susceptibles de produire des situations conflictuelles, car non seulement ils contribuent à défaire le monopole de la biomédecine sur la santé mais ils remettent en question le hiatus qui sépare les domaines du médical et du religieux ; il s’agira alors d’analyser, par le biais de descriptions ethnographiques fines, ces formes de concurrence et de friction.

La coexistence de techniques de soin à caractère médical ou religieux peut aussi — voire simultanément — déboucher sur des processus d’emprunts, d’imitations ou des bricolages et aménagements subjectifs. Pour ne prendre que quelques exemples, on peut constater que les pratiques de soin rituel ou religieux — peut-être du fait qu’elles sont en recherche continue de légitimité et de popularité devant la domination de la biomédecine — intègrent des idiomes, des étiologies et des pratiques propres à celle-ci (ainsi, tension, pression sanguine et stress sont apparus comme diagnostics possibles au côté des esprits dans les pratiques oraculaires des devins de l’Himalaya).

Cette logique d’emprunt peut aussi se retrouver dans des récits de parcours thérapeutiques et dans des expériences de maladie mobilisant — de manière tantôt simultanée, tantôt conflictuelle — des signifiés religieux et médicaux. Ces processus d’emprunts et de reconfigurations ne sont pas stables, et l’étude de leur évolution peut être tout à fait pertinente pour saisir les modalités de repositionnement entres les différentes techniques présentes sur le marché des soins (notamment à la suite de l’augmentation exponentielle des offres de guérison et du développement des médecines alternatives).

On peut enfin relever l’existence de pratiques, de dispositifs et de discours visant à permettre la cohabitation du médical et du religieux, à travers notamment l’élaboration de normes et l’établissement ou rétablissement de(s) frontières entre les deux domaines. On pourra, par exemple, analyser les arrangements légaux qui règlent la relation entre médecine et religion et, plus largement, la façon dont le rapport au religieux est géré d’un point de vue bureaucratique (en sont un exemple les normes juridiques régissant la cohabitation de la religion avec l’impératif de laïcité des établissements de soin). Ces aspects de cohabitation et de complémentarité peuvent aussi être étudiés via les problématiques éthiques auxquelles la rencontre entre pratiques médicales et appartenances religieuses peuvent donner lieu.

Il s’agit là de pistes de recherche non exhaustives. Toutes les propositions relatives aux phénomènes articulant religion et santé, et fondées sur des études de cas concrets, seront les bienvenues.

 

Plus d’informations sur Calenda

 

Références

BENOIST J. (dir.), Soigner au pluriel : essais sur le pluralisme médical, Paris, Karthala, 1996.

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CHAMPION F. (dir.), Soigner l’esprit, Archives de sciences sociales des religions, 163, juillet-septembre 2013.

CHARUTY G., Le Couvent des fous, L’internement et ses usages en Languedoc aux XIXe et XXe siècles, Paris, Flammarion, 1985.

COHEN P., Figures contemporaines de la santé en Inde, Paris, L’Harmattan, 2008.

FAINZANG S., L’intérieur des choses. Maladie, divination et reproduction sociale chez les Bisa du Burkina, Paris, L’Harmattan, 1986.

FOUCAULT M., Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1963.

GAUTHIER-DURISCH N., ROSSI I., STOLZ J. (dir.), Quêtes de santé : entre soins médicaux et guérisons spirituelles, Genève, Labor et Fides : 9-21, 2007.

GOOD B., Medicine, Rationality and Experience : An Anthropological Approach, Cambridge, cambridge University Press, 1996.

GRMEK M. (dir.), Historie de la pensée médicale en Occident. Tome 1/ Antiquité et Moyen Age, Paris, Le Seuil, 1995.

GUILLEMAIN H., Diriger les consciences. Guérir les âmes. Une histoire comparée des pratiques thérapeutiques et religieuses (1830-1939), Paris, La Découverte, 2006.

LEVI-STRAUSS C., « L’efficacité symbolique », Anthropologie structurale, Plon, 1958.

LEVI-STRAUSS C., « Le sorcier et sa magie », Anthropologie structurale, Plon, 1958.

NATHAN T. et STENGERS I., Médecins et sorciers, Odile Jacob, 1998.

NATHAN T., Nous ne sommes pas seuls au monde, Les Empêcheurs de penser en rond, 2001.

PORDIE L. et SIMON E. (dir.), Les nouveaux guérisseurs. Biographies de thérapeutes au temps de la globalisation, EHESS, 2013.

SCHMITZ O. (dir.), Les médecines en parallèle. Multiplicité des recours au soin en Occident, Paris, Karthala – Collection Médecines du Monde, Série «Soins d’ici soins d’ailleurs», 2006.

VIDAL L., Ritualités, santé et sida en Afrique. Pour une anthropologie du singulier, IRD-Karthala, Coll. « Hommes et sociétés », 2004.

ZUPANOV I. et GUENZI C. (dir.), Divins Remèdes. Médecine et religions en Asie du Sud, Paris, EHESS, 2008.

 

 

 

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