Ce numéro, tant par le thème abordé, que par la méthode utilisée pour en rendre compte, témoigne d’une anthropologie ouverte, non dogmatique, mais soucieuse de préserver son identité scientifique et attentive à ne pas verser dans les pièges idéologiques qui lui sont aujourd’hui tendus.
En effet, nous assistons, depuis une vingtaine d’années, à une offensive, venue principalement de certains campus nord-américains, qui prétend, au nom de la morale et d’une conception communautariste et relativiste de la société et de la culture, dicter ses injonctions à l’anthropologie. Rappelons ici que le savoir anthropologique, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, répond, depuis ses commencements à quelques critères qui l’identifient comme science de la culture par excellence : 1) définir avec précision son objet d’étude ; 2) le distinguer des excès subjectivistes de l’enquêteur engagé, tout en luttant contre les préjugés dont l’ethnographe est nécessairement porteur ; 3) enquêter en respectant la double méthode de l’entretien et de l’observation participante qui exige le temps long, la connaissance des langues locales, la distanciation (non contradictoire avec l’observation participante) et la variation des points de vue ; 4) enfin, éviter de confondre les jugements de valeur et les jugements de réalité en faisant passer les premiers pour les seconds, ce qui n’empêche nullement d’adopter un comportement respectueux à l’égard de ceux que l’on côtoie sur le terrain. Cela implique de décrire ce que l’on voit et entend, puis de tenter de généraliser après un exercice comparatif, sans verser ni dans le subjectivisme ni dans le positivisme.
Ce numéro met bien en évidence la rigueur avec laquelle l’anthropologue peut traiter tout objet digne de l’être sans tomber dans le moralisme sectaire. Surtout, s’il s’agit de ruse, soyons francs ! L’anthropologie ne se limite pas à la dénonciation constante du pouvoir dont les sujets sociaux seraient les marionnettes plus ou moins consentantes (les « idiots utiles » pour reprendre un terme à la mode). Notre but est bien de comprendre le sens des actions humaines en contexte, qu’elles soient sincères ou non.
Francis Affergan, Erwan Dianteill
Éditorial
par Erwan Dianteill & Francis Affergan [Télécharger]
Dossier : Ruser,tricher, tromper
Coordonné par Pierre-Joseph Laurent, Frédéric Laugrand et Lionel Simon
Introduction. Ruser, tricher et tromper. Exploiter les marges avec les invisibles
par Pierre-Joseph Laurent, Frédéric Laugrand et Lionel Simon [Télécharger]
Le bouffon rituel,le décepteur et la ruse au Mali
par Laure Carbonnel [Télécharger]
Composer avec les esprits et contraindre l’état ordinaire des choses. Modalités de l’action rituelle chez les Mentawai de Siberut (Indonésie)
par Lionel Simon [Télécharger]
Ruses et transformation des rapports politiques : du Burkina Faso rural et urbain aux migrants capverdiens à Boston
par Pierre-Joseph Laurent [Télécharger]
Les commérages extra-ordinaires : Quand prendre la parole contrôle le corps et l’autonomie xinguana en milieux urbains
par Sarah Bourdages Duclot [Télécharger]
La ruse au coeur du geste rituel des Blaan de Malbulen (Philippines)
par Antoine Laugrand et Frédéric Laugrand [Télécharger]
Le trickster dans la bande dessinée :l’art de figurer la ruse dans les cosmologies de l’Amazonie brésilienne et des Premières Nations du Québec
par Laurent Jerôme [Télécharger]
Anthropologie visuelle
La danse du fonio
par Alfonso Castellanos [Télécharger]
Lien vers le film
Note critique
«Le texte et le miroir.» À propos de :
- AUGE Marc, COLLEYN Jean-Paul, CLIPPEL Catherine de, et DOZON Jean-Pierre, 2019, Vivre avec les dieux: sur le terrain de l’anthropologie visuelle, Paris, Éditions de la FMSH.
- MONTGOMERY Eric James, et VANNIER Christian N., 2017, An Ethnography of a Vodu Shrine in Southern Togo: Of Spirit, Slave and Sea, Studies of religion in Africa: supplements to the Journal of religion in Africa 46. Leiden ; Boston, Brill.
par : Erwan Dianteill [Télécharger]