cArgo 11 : Médecine et religion

Quelles sont, dans le monde contemporain, les formes d’interactions entre le
médical et le religieux face à la maladie et la santé ? Comment se réalisent-elles
concrètement entre acteurs, pratiques, représentations qui s’inscrivent dans l’un ou
l’autre de ces deux domaines (ou simultanément dans les deux) ? Comment, par le biais
de ces interactions, les frontières entre le médical et le religieux sont-elles façonnées,
refaçonnées, refusées, négociées ? Voici les questions centrales qui ont donné vie à ce
numéro de cArgo.
Les termes de médecine et de religion qui en forment le titre désignent des domaines
de la vie sociale, que l’Occident a nettement distingués en instituant, au cours de son
histoire, une séparation entre ce qui concernait le physique et se fondait sur un savoir
objectif, et ce qui concernait le spirituel et était basé sur un système de croyances.

Cette distinction entre domaine médical et domaine religieux, propre initialement au
monde occidental, s’est par divers processus universalisée. Et elle revêt aujourd’hui une
importance centrale à un niveau global, ainsi que l’ont montré de précédents travaux
(Adams et al., 2011 ; Naraindas et al., 2014). En s’exportant sur tous les continents,
elle a influencé et continue d’influencer toutes les institutions qui l’ignoraient dans
le reste du monde comme au sein de l’Occident. Ces institutions, de même que leurs
acteurs, ont dû se positionner ou se repositionner par rapport à la dichotomie qui était
ainsi établie entre le médical et le religieux. Elles ont pu la reprendre à leur compte,
en se revendiquant soit comme des « médecines » soit comme des « religions ».
Elles ont pu s’inscrire de façon partielle dans le médical ou le religieux. Elles ont pu
réfuter la distinction de ces deux domaines ou chercher à la dépasser. Mais il leur a
fallu nécessairement se déterminer par rapport à elle, quelles qu’aient été les diverses
stratégies qu’elles ont à cet égard adopté.

Ce sont avant tout ces positionnements et repositionnements qui constituent l’intérêt
de ce numéro de cArgo. L’objectif n’est pas de proposer de manière générale ou
essentialiste une redéfinition du médical, du religieux et de leur croisement éventuel.
Il convient plutôt de voir, à travers l’étude sur différents terrains de pratiques et
représentations spécifiques, comment les relations entre le médical et le religieux
peuvent s’avérer diverses et mouvantes, sont le résultat de processus dynamiques et
sont sans cesse reconfigurées, de multiples façons, par les acteurs eux-mêmes.